Le dix-neuvième numéro de la Revue Française de Criminologie et de Droit Pénal est paru. Dans ce numéro vous trouverez les contributions suivantes :
– La victime, le délinquant et le juge, d’étranges évolutions Par Francis Casorla
– Fatale chevauchée au Lac Ladoga ou « le Moment Peyrefitte » Par Dominique-Henri Matagrin
– Le juge est-il coupable ou victime ? Entretien avec Jean-Claude Magendie
– L’intrusion des neurosciences dans la doctrine de la Mens Rea : Much Ado About Nothing Par Carole Sénéchal et Nicholas Léger-Riopel
– L’hystérie contre l’incarcération de masse Par Matt Delisi et John Paul Wright
Fidèle à sa vocation interdisciplinaire, la Revue Française de Criminologie et de Droit Pénal réunit une nouvelle fois pour son dix-neuvième numéro des contributions variées émanant de théoriciens et de praticiens du droit pénal et de la criminologie.
Au vingt-et-unième siècle, le statut de victime peut être alternativement une bénédiction ou une malédiction. La victime portée aux nues, objet de toutes les sollicitudes, mais aussi la victime oubliée, car privilégiée et donc parfois même piétinée. Cet article, en deux grandes parties, Francis Casorla dresse le portrait de la victime d’aujourd’hui, résultat d’une longue évolution, et dont la qualité se manie avec prudence. Mais cette évolution, tirant parfois à la schizophrénie, inversant complètement les rôles de victimes et de coupables, est moins le fait des « juges », réputés laxistes, et parfois à raison, mais avant tout le fait de l’État. Un État qui a abandonné sa souveraineté, abandonné ses objectifs politiques pour s’en remettre à des instances internationales non-élues et déconnectées. La crise institutionnelle et politique que traverse la France doit être réglée pour que les statuts de victimes et de coupables retrouvent à nouveau la place originelle que la nature humaine leur accorde.
Ministre de la justice de 1977 à 1981, Alain Peyrefitte avait, l’un des tout premiers à ce niveau de responsabilité politique, parfaitement compris la grande mutation qui s’était opérée dans ces années-là, avec la promotion de l’insécurité comme thème politique majeur et le profond fossé qui s’était creusé entre, d’un côté, le discours jusqu’alors dominant dans les cercles de pensée et traduit dans la législation pénale et, de l’autre côté, la sensibilité de l’opinion populaire. Comme l’explique Dominique-Henri Matagrin, c’est ce qui a conduit Alain Peyrefitte, avec deux lois emblématiques, en 1978 et plus encore en 1981 (« Sécurité et Liberté ») à opérer une rupture radicale -et très clivante-, avec ce discours ; elles auront, dans l’ordre des idées et du droit, constitué un tournant majeur, même si leur portée concrète a été sapée par les aléas de notre histoire politique ; son action reste donc une référence à méditer.
Quelle est la place du juge ? Porte-t-il toute la responsabilité de la récurrente expression de « laxisme judiciaire » ? Son rôle – et donc sa responsabilité – est peut-être plus complexe, pris entre trois feux entre, d’un côté, un droit pénal plus étendu, plus complexe et plus instable, de l’autre une situation pénitentiaire toujours plus déplorable, et enfin une idéologie, certes parfois présente chez certains magistrats, mais d’abord et avant tout présente dans les médias et chez les politiques ? Dans cet entretien Jean-Claude Magendie nous fait part de ses réflexions sur ces questions.
Les progrès de la neuroscience, cette science fondamentale qu’est la science du cerveau, remettent en cause les visions traditionnelles de la culpabilité et de la peine. Comme l’expliquent Carole Sénéchal et Nicholas Léger-Riopel, l’application de cette science au droit, que l’on peut appeler « neurodroit », aboutirait en effet à expliquer le passage à l’acte criminel comme une suite inéluctable d’évènements, résultats de phénomènes biologiques et physicochimiques. La suite logique de cette évolution serait donc le remplacement d’une approche restaurative, dans laquelle le criminel paye pour son crime et s’amende, par une approche purement utilitariste, dans laquelle le seul but de la peine est de protéger la société contre d’autres actes. Le criminel dont la science confirmerait qu’il ne récidiverait pas, n’aurait donc pas de peine. Mais c’est une anticipation prématurée des conséquences du « neurodroit » qui conduit à « beaucoup de bruit », car une réflexion attentive et prudente de la question permet de conclure que ce beaucoup de bruit pourrait bien aboutir à « rien ».
Depuis plusieurs années, la gauche américaine, et une certaine partie de la droite, se font les avocats d’une politique de désincarcération, accusant le système américain des années 1980, 1990, d’avoir incarcérer en masse. Les premiers effets de ce mouvement anti-prison se font aujourd’hui sentir avec un taux d’incarcération à son plus bas niveau depuis 1990. Pour autant, comme l’expliquent Matt Delisi et John Paul Wright, cette analyse sommaire et à la mode ne résiste pas à un examen plus minutieux. La grande quantité de données disponibles aux États-Unis le démontrent : l’incarcération de masse, si elle a existé, a existé durant les décennies 1930-1960, et le mouvement carcéral au cours des décennies 1980 et 1990 ont non seulement permis d’enrayer la forte hausse de la violence mais ont surtout constitué un rattrapage après des décennies de sous-investissement dans la police, les services de probation et la justice.
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