Le dix-huitième numéro de la Revue Française de Criminologie et de Droit Pénal est paru. Dans ce numéro vous trouverez les contributions suivantes :
– Cahier de doléances décalé pour « états généraux » de la justice pénale Par Dominique-Henri Matagrin
– L’aveugle et le paralytique, la politique antipénale au risque assumé de l’entrave à la justice ? Par Francis Casorla
– Le « crime parfait » : mythe ou réalité ? Par Anaïs Guillaume Crane et Renaud Bouvet
– Crimes et plaisirs à Montmartre Par Maurice Cusson
– Force publique et santé mentale Par Éric Meynard
Fidèle à sa vocation interdisciplinaire, la Revue Française de Criminologie et de Droit Pénal réunit une nouvelle fois pour son dix-septième numéro des contributions variées émanant de théoriciens et de praticiens du droit pénal et de la criminologie.
Le monde judiciaire a fortement et massivement témoigné de son profond malaise en 2021, se plaignant notamment de l’insuffisance de ses moyens et d’une perte de sens de son travail. Ce qui a conduit le président de la République à lancer des « États généraux de la justice » sous forme d’une consultation de grande ampleur des citoyens, des magistrats et agents de l’institution judiciaire ainsi que des partenaires de cette dernière. Mais, explique Dominique-Henri Matagrin, on peut se demander si et dans quelle mesure toutes les réflexions émises dans ce cadre seront réellement reprises par le Comité mis en place pour en faire la synthèse mais aussi pour, en toute autonomie, formuler ses propositions… on peut notamment avoir le plus grand scepticisme quant à la prise en compte des aspirations « sécuritaires » qui se sont manifestées à cette occasion – et, par conséquent, quant à la perspective d’une radicale remise en cause des conceptions dominantes dans la législation et les pratiques répressives qu’imposerait pourtant la « dévitalisation » actuelle de notre système pénal, en décalage manifeste avec les attentes de la société.
Une politique pénale définit des priorités tirées d’un examen attentif de la délinquance et de sa territorialisation, sur la base de définition d’infractions et leurs sanctions associées, de prévention de la récidive, de protection des victimes et de réparation de leur préjudice, d’efficacité de toute la chaine pénale, de l’enquête à l’exécution des peines. À son opposé, la politique anti-pénale, inféodée à des espaces dogmatiques d’origine extranationale, n’accorde qu’une importance mineure à la réalité, elle fonctionne avec une orientation idéologique au risque assumé d’entraver l’action de la Justice. Mais, se demande Francis Casorla, Au-delà de lois mal faites et mal écrites, pouvant s’attaquer à des libertés fondamentales, voit-on pour autant le retour des «lois scélérates» ?
On pourrait avancer que le « meurtre parfait » est celui qui n’est pas élucidé, ou celui dont la nature criminelle n’est pas détectée. Mais, expliquent Anaïs Guillaume Crane et Renaud Bouvet, la simple impunité de l’auteur ne saurait suffire à caractériser la perfection du crime. Un homicide ne saurait être exécuté à la perfection pour des raisons purement pratiques, notamment en matière de criminalistique, comme le veut le principe d’échange d’Edmond Locard. Néanmoins, il est indéniable qu’un pourcentage non négligeable de crimes passe sous le radar des services de police et que les auteurs ne sont pas inquiétés. Plus qu’une réalisation parfaite du passage à l’acte, c’est la prise en charge imparfaite et inadaptée de la situation par les institutions qui doit inquiéter. La police doit repenser son intervention et remettre l’enquête criminalistique au coeur de sa pratique et non la penser comme un simple appoint, et les médecins doivent être formés à la reconnaissance des situations criminogènes.
Le quartier parisien de Montmartre apparaît comme un exemple intéressant de concentration du crime dans un espace urbain. Ce quartier fit l’objet d’une description fouillée dans un livre de Louis Chevalier (1980) : Montmartre du plaisir et du crime. Cet ouvrage apporte une contribution oubliée à la criminologie des points chauds du crime. Il nous aide à comprendre et à analyser le fonctionnement interne de ces lieux de forte criminalité. Maurice Cusson puise dans le livre de Chevalier pour répondre aux questions suivantes : Dans ce quartier chaud, où précisément les crimes étaient-ils perpétrés ? Qui étaient les auteurs de ces crimes et pourquoi se retrouvaient-ils à Montmartre et non ailleurs ? Qui étaient les victimes et que venaient-elles y faire ? Pour quelles raisons et dans quelles circonstances les délinquants entraient-ils en contact avec leurs victimes ? Pour faire face aux problèmes criminels qui se posaient alors à Montmartre, que faisaient les policiers, concierges et autres acteurs qui avaient un rôle à jouer dans la sécurité de ce quartier ? Les réponses à ces questions pourraient nous aider à créer une grille d’analyse du fonctionnement interne des quartiers de non-droit contemporains.
Dans le domaine de la santé mentale, depuis que fut lancé il y a près de cinquante ans un mouvement de désinstitutionnalisation, les agents de police se sont retrouvés en première ligne afin de gérer les individus en crise, en plus de toutes sortes de problèmes qu’ils doivent appréhender, les transformant en « psychiatres au coin de la rue ». Le principe guidant les interventions de la police est de deux ordres : protéger les membres de la communauté, mais également les personnes porteuses d’un handicap. Éric Meynard passe en revue de la littérature qui traite de ces problématiques afin de mettre en lumière les réponses spécifiques élaborées dans de nombreuses collectivités dès la fin des années quatre-vingt, dont les équipes mobiles d’urgence. Les évaluations de ces solutions ont soulevé de nombreuses questions eu égard à leur efficacité du point de vue de la déjudiciarisation, tandis qu’en Europe, à l’exception du Royaume-Uni, aucune politique notable n’a été mise en oeuvre.
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